Chères étudiantes, chers étudiants,
Le cœur lourd, je suis à la recherche de mots qui puissent exprimer avec justesse mon désarroi face au drame qui frappe la Turquie et la Syrie.
Tristesse et colère se mêlent quand je constate l’ampleur des dégâts et quand je pense aux vies qui auraient pu être sauvées avec un peu de prévoyance et organisation.
Dans ces moments très difficiles, nous nous efforçons d'organiser des mesures de solidarité à moyen terme, en collaboration avec l'Université de Strasbourg et la Ville de Strasbourg.
Nous sommes notamment en train de mettre en place une coopération décentralisée et interuniversitaire, afin de venir en aide aux étudiants et aux collègues des régions touchées.
Je vous adresse mes vœux les plus sincères, en espérant que vous n'avez pas été touchés personnellement par ces événements.
Toutefois, je suis conscient que certains d'entre vous ont de la famille proche dans la région, et je tiens à vous assurer que nous restons à votre disposition en tant qu'équipe pédagogique et administrative du département d'études turques.
Nous sommes à votre écoute et prêts à discuter avec vous, que ce soit pour vous orienter vers un soutien psychologique ou pour vous assister dans vos études.
Acceptez mes souhaits les plus chaleureux de geçmiş olsun , ainsi que mes condoléances sincères.
Je suis convaincu que grâce à notre solidarité et notre fraternité, nous surmonterons ces jours difficiles à la lumière des sciences exactes, humaines et sociales dont l'importance cruciale est encore une fois dramatiquement démontrée
Sincèrement vôtre,
Samim Akgönül
Présentation du Département d'Etudes turques de l'Université de Strasbourg 2021
L’enseignement du turc à Strasbourg remonte aux dernières décennies du XIXe siècle (Paul Horn, auteur notamment de Geschichte Der Türkischen Moderne en 1909). La chaire de turcologie actuelle a été créée en 1962 et confiée au Professeur René Giraud (1906-1968), spécialiste du turc ancien. René Giraud est surtout connu à travers son œuvre sur L'Empire des Turcs célestes (Maisonneuve, 1960) et ses travaux sur l’Inscription de Baïn-Tsokto, (Librairie d'Amérique et d'Orient, 1961).
En 1968, après le décès de René Giraud, le Professeur Irène Melikoff (1917-2009), spécialiste de l'islam turc hétérodoxe et des cultures et religions anatoliennes lui a succédé. Irène Melikoff fut surtout une spécialiste mondialement connue du Bektashisme. Ces travaux tels que Un mythe et ses avatars : genèse et évolution du soufisme populaire en Turquie (Brill, 1998) ou Sur les traces du soufisme turc : recherches sur l’islam populaire en Anatolie (Isis, 1992) sont toujours des références incontournables.
De 1989 à 2013, le Département d'Etudes turques a été dirigé par M. le Professeur Paul Dumont, historien de l'Empire ottoman et de la Turquie contemporaine. Son Mustafa Kémal invente la Turquie moderne (Complexe, 2006) reste un des meilleurs ouvrages sur la période de la fondation de la République de Turquie. Par ailleurs, le travail du Professeur Dumont sur la fin du 19e siècle et du début du 20e siècle est considérable. Il fut également directeur de l’Institut Français d’Etudes Anatoliennes d’Istanbul entre 1999 et 2003.
Entre 2014 et 2019, le Département d’Etudes turques a été dirigé par M. le Professeur Stéphane de Tapia, géographe, spécialiste des migrations dans l’espace turc. Parmi ces nombreux ouvrages, celui rédigé en collaboration avec Marcel Bazin, La Turquie : géographie d'une puissance émergente (Armand Colin, 1999) est un des plus importants.
Et enfin, depuis 2019, le Département est dirigé par M. Samim Akgönül, Historien et Politologue, spécialiste de l’Histoire de la Turquie contemporaine et des minorités qui sont en lien, notamment les minorités non musulmanes de Turquie, les minorités musulmanes des Balkans et les « nouvelles » minorités issues des migrations originaires de Turquie en Europe occidentale. Si son Les Grecs de Turquie (Academia Bruylant, 2004) reste une référence en la matière, ses travaux sur les relations Etat-religions en Turquie et les minorités dans l’espace post-ottoman sont également reconnus. Son dernier ouvrage est, La Turquie « nouvelle » et les Franco-Turcs, une interdépendance complexe (l’Harmattan, 2020).
Tout au long de son histoire, d’autres figures importantes des études turques et ottomanes ont enseigné au Département comme Server Tanilli (1931-2011), constitutionnaliste et traducteur) ou plus récemment Catherine Erikan (linguiste et traductrice, notamment des auteurs tels que Enis Batur, Sema Kaygusuz ou Azad Ziya Eren), Ragip Ege (économiste et traductologue) et Johann Strauss (historien) dont l’œuvre sur la modernisation linguistique dans l’espace ottoman et post-ottoman est précurseur .
Ainsi, au fil du temps, le Département d’Etudes Turques a couvert l’ensemble des domaines liés aux études turques et ottomanes, de la langue à l’histoire, de la sociologie à la géographie, de la traduction à la science politique.
Bref historique
L'enseignement du turc à l'Université de Strasbourg
180 à 200 millions de turcophones dans le monde
Le turc enseigné à l'Université de Strasbourg est le turc de Turquie, langue officielle de la République de Turquie et langue maternelle de la majorité de ses habitants (79,8 millions d'habitants en 2016). La langue ottomane, qui fut la langue savante et administrative de l’Empire ottoman est également enseigné au Département. En Europe, la langue turque est également parlée par un nombre assez considérable de turcophones. Vu les mouvements de populations, il est malaisé d'en donner un chiffre exact: selon les estimations, un à trois millions de locuteurs du turc vivent dans les Balkans (Bulgarie, Roumanie, Macédoine, Grèce) et au Moyen-Orient (Syrie, Irak, Chypre). Les pays européens d’immigration - membres ou non de l'Union Européenne -, les Etats-Unis et le Canada ou l’Australie, comptent également plus de 4millions de turcophones, populations issues de l’immigration des années 1960-2000, qui mettent la langue turque à portée immédiate de notre oreille.
Avec des variantes parfois assez éloignées du turc de Turquie, des langues appartenant à la même famille (altaïque) sont aussi utilisées sur une vaste aire géographique du continent eurasiatique: en Iran, Afghanistan, Azerbaïdjan, dans les républiques indépendantes d'Asie centrale, en Russie (républiques autonomes du Tatarstan, de Bachkirie, de Sakha-Iakoutie en Sibérie, etc.), en Chine (Région autonome du Xinjiang-Uygur), en Mongolie (province de Bayan Ölgey). Les langues dites «turciques» (pour les différencier du turc de Turquie) les plus parlées dans le monde sont, après le turc et dans un ordre décroissant, l’ouzbek (ozbekcha, environ 30 millions de locuteurs, transcrit en caractères latins en Ouzbékistan), l’azerbaïdjanais (azәrbaycanca, environ 29 millions, transcrit en caractère latin en République d’Azerbaïdjan peuplée de 9 millions d’habitants), le kazakh (kazak tili, environ 13 millions) qui continue à utiliser l’alphabet cyrillique, l’ouïghour moderne (uygurca: environ 11 millions) qui utilise un alphabet arabe réformé au Xinjiang, le kirghize (kyrgyzja, environ 4 millions) qui se sert de caractères cyrilliques en République kirghize et le turkmène (environ 3,5 millions, transcrit en caractère latins en République du Turkménistan). Des langues et dialectes tatars sont parlés par environ 7millions de personnes. Il peut alors s’agir soit de langues nationales officielles (également parlées par des minorités locales), soit de langues maternelles (en dehors des états internationalement reconnus). On peut donc faire état d'un chiffre approximatif d’au moins 200 millions de turcophones dans le monde.