À la dérive. Théâtre d’urgence, textes de Luis Araújo, édition et introduction d’Isabelle Reck, traduction de notre regretté collègue Bernard Escudero et de Pierre-Jean Lombard et Isabelle Reck (Plonévez-Porzay, Vibration éditions, coll. « Théâtre » « bilingue -FRA-ESP) », 2025).
Le volume rassemble deux pièces de Luis Araújo, en version bilingue : Trenes que van al mar / Des trains qui mènent à la mer (2001) et Trayectoria de la bala / Trajectoire de la balle (2010), dont une lecture publique avait été proposée en 2014 à l’Université de Strasbourg.
Une décennie sépare ces deux pièces, mais on y retrouve un personnage, la bonne, Philippine. Et les deux « bourgeoises » respectives portent le même prénom, Claire, même si leur vie est différente : journaliste dans Des trains qui mènent à la mer, femme au foyer dans Trajectoire de la balle. Philippine, la bonne, est protagoniste dans la première, comme personnage antagoniste de la bourgeoise, elle est n’est qu’un personnage off dans la seconde, un simple objet-signe de la toile de fond d’une famille enrichie par le succès entrepreneurial du père. Les deux pièces mettent en scène la confrontation des classes et le mépris de classe.
Dans la première, deux femmes, Philippine (la bonne) et Claire (sa patronne) bouclent la valise pour se rendre à la maison de la plage. La pièce, pleine d’humour, est écrite dans un langage dramaturgique qui rappelle le rythme, la sobriété, le vide, l’absurde et l’utilisation du silence propres au théâtre de Beckett. Dans la seconde, « une pièce politique inquiétante, efficace et suggestive » (Pérez-Rasilla, 2010), Luis Araújo fait exploser une famille espagnole très bourgeoise, réactionnaire et xénophobe, en introduisant une jeune femme iranienne que le plus jeune fils souhaite épouser.
Le point commun de ces deux pièces, qui est aussi celui de tout son théâtre, est la peur de l’« Autre » : « autre sexe, autre pays, autre religion, autre idéologie, autre peau... autre condition sociale », comme le précise Luis Araújo.